La liberté d’expression des salariés a été reconnue par la cour de cassation dans un arrêt du 28 avril 1988 (n° 87-41804) concernant la très médiatique affaire Claveau, nom d’un salarié qui s’opposait à son employeur, l’usine de pneus Dunlop à Montluçon. Il était reproché au salarié d’avoir évoqué, dans un article publié dans l’Humanité les conditions de travail, les non-respects des process, de dévoiler des secrets de fabrication militaires, de critiquer les compétences de l’encadrement, etc… (« Attendu, enfin, que loin de faire application de ce dernier texte à une situation qu’il ne prévoit pas, la cour d’appel n’en a fait état que pour en déduire que l’exercice du droit d’expression dans l’entreprise étant, en principe, dépourvu de sanction, il ne pouvait en être autrement hors de l’entreprise où il s’exerce, sauf abus, dans toute sa plénitude ; d’où il suit que les griefs du pourvoi ne sauraient être accueillis ; »)
La cour de cassation a jugé que le licenciement de Monsieur Claveau de ce fait était nul et qu’il devait être réintégré car violant une liberté fondamentale.
Petit à petit, et sous l’influence de la cour européenne des droits de l’homme, la liberté d’expression a été confirmée.
Cette faculté d’expression a connu une véritable explosion avec les réseaux sociaux, ceux-ci étant utilisés parfois de façon maladroite ou sans discernement ni prise de recul par des salariés qui critiquent ouvertement leur entreprise ou leur encadrement. Cependant, cette spontanéité d’expression sur les réseaux sociaux, comparable bien souvent à des discussions que les personnes auraient lors d’échanges verbaux, se fait par écrit et d’autres personnes peuvent y avoir accès. Verba volant, scripta manent dit-on souvent entre juristes.
Bien souvent certains employeurs ont essayé d’utiliser les discussions ou éléments portés par le salarié sur Facebook dans ses communications avec ses amis comme moyen de preuve de fautes ou de la duplicité retenue contre lui. Dans un arrêt de 20 décembre 2017, la cour de cassation a considéré qu’un employeur ne pouvait faire constater par un huissier des informations du compte Facebook d’un salarié via le téléphone portable d’un autre salarié, autorisé à y accéder (un ami) sans commettre une atteinte à la vie privée du salarié: « Mais attendu qu’ayant relevé que le procès-verbal de constat d’huissier établi le 28 mars 2012 à la demande de la société Jesana rapportait des informations extraites du compte Facebook de la salariée obtenues à partir du téléphone portable d’un autre salarié, informations réservées aux personnes autorisées, la cour d’appel a pu en déduire que l’employeur ne pouvait y accéder sans porter une atteinte disproportionnée et déloyale à la vie privée de la salariée ; que le moyen n’est pas fondé ; » (Cass Soc 20 décembre 2017, n° 16-19609, Jesana).
Dans une affaire récente (Cassation Sociale, 12 septembre 2018, n° 16-11 690), la cour de cassation vient préciser les limites de la liberté d’expression et celles de l’expression privée, même si elle est injurieuse à l’égard de l’employeur ou de l’encadrement.
La cour de cassation considère que les propos tenus sur Facebook ne concernent que les personnes autorisées à accéder aux comptes Facebook et qu’un employeur, s’il n’y est pas autorisé, ne peut pas utiliser le compte d’un tiers pour obtenir la preuve d’un éventuel dénigrement, d’injures, etc…