Informations personnelles et vie privée du salarié

Quelles sont les informations sur la situation familiale du salarié que l’employeur peut exiger de celui-ci ?

Le droit au respect de la vie privée est prévu par l’article 9 du Code civil : « Chacun a droit au respect de sa vie privée. ».

Le droit à la vie privée est considéré également comme une liberté fondamentale (Article 8 CEDH Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.).

Cependant, les relations avec l’employeur peuvent créer de véritables zones de friction entre le droit du travail et le droit à la vie privée.

Une évolution des pratiques

Étudiants, nous avons travaillé sur la très fameuse clause de célibat des hôtesses de l’air, en vigueur dans les années 60 (Cass. Soc 7 juin 1967, Bulletin n° 460).

Nous avons aussi connu les jurisprudences sur la compatibilité ou non de la vie personnelle avec les valeurs morales prônées par l’employeur (affaire du sacristain de l’église Saint-Nicolas du Chardonneret – Cass. Soc. 17 avril 1991 n° de pourvoi: 90-42.636, interdiction de mariage entre salariés de la même entreprise – Cass. soc., 10 juin 1982, n° 80-40.929, Bull. civ. V, n° 392. …).

La jurisprudence s’est aussi prononcée sur l’invalidité des clauses de résidence qui figuraient dans certains contrats de travail, au motif de la liberté de choix du domicile (Cass. Soc. 12 juillet 2005, n° 04-13.342).
La Cour de cassation oblige également les salariés à communiquer à leur employeur leur relevé de carrière, lorsque ceci est nécessaire pour déterminer notamment les droits ou possibilité de départ en retraite ou pré-retraite (Cass. Soc. 13 mai 2009, n° 08-41826).

Plus récemment, se sont posées les questions sur le contrôle des courriels personnels et des fichiers personnels stockés sur l’ordinateur professionnel, sur la géolocalisation des véhicules en dehors des heures de travail, …

La cour de cassation se prononce sur certaines données de la vie personnelle

Dernièrement, la jurisprudence a eu à se prononcer sur la situation d’un salarié qui contestait la clause de son contrat de travail qui lui enjoignait de faire connaître à son employeur toute modification intervenant dans son état civil, sa situation familiale ou son domicile.

La Cour de Cassation l’a débouté de sa réclamation au motif que ces informations étaient nécessaires à l’employeur pour pouvoir remplir le salarié de ses droits (Cassation Sociale, 3 mai 2018, Pourvoi n° 17-11048).

L’employeur doit effectivement disposer d’un certain nombre d’informations personnelles sur ses employés.

Ainsi, la connaissance de son état civil, de son domicile exact par exemple est indispensable.

Un salarié qui entend bénéficier d’avantages (congés pour événement familial, …) doit en justifier.

L’employeur doit connaître l’adresse du salarié pour lui envoyer des courriers tel les lettres relatives au licenciement, à des sanctions disciplinaires, mais également pour les organismes de retraite, de prévoyance, pour le versement de l’intéressement et ou de la participation.

Cette adresse est indispensable également pour les droits liés à la couverture sociale, mais aussi pour les déclarations fiscales.

La connaissance de la situation familiale (vie maritale ou non, situation de parent isolé), des charges de famille, d’un éventuel handicap, est indispensable, notamment en cas de procédure de licenciement collectif pour établir l’ordre des licenciements.

Ne pas déclarer spontanément et de bonne foi l’évolution de la situation expose le salarié à ce que certaines situations ne soient pas prises en considération, mais aussi fausserait, au détriment d’autres salariés, la mise en œuvre des critères d’ordre de licenciement.

L’employeur est donc légitimement fondé à demander certaines informations personnelles au salarié dès lors qu’elles lui sont nécessaires et le salarié est tenu d’y répondre de bonne foi, mais également de communiquer spontanément à l’actualisation de celles-ci.

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Texte de l’arrêt :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 28 octobre 2016), que Mme X… a été engagée en qualité de comptable, le 30 avril 2003 par la société Cabinet Netter (la société) et a été promue comptable principale par avenant du 30 septembre 2005 ; qu’elle a pris acte de la rupture de son contrat de travail le 20 septembre 2012 et a saisi la juridiction prud’homale ;

Sur le premier moyen :

Attendu que ……………………..
Et attendu que le moyen ne tend qu’à contester l’appréciation souveraine par la cour d’appel des éléments de fait et de preuve dont elle a déduit que l’activité principale de la société était juridique ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que les demandeurs aux pourvois font le même grief à l’arrêt, alors, selon le moyen, que :

……………..
Mais attendu qu’ayant relevé, par motifs propres et adoptés, que la salariée avait une ancienneté, une expérience, un niveau d’étude, un degré de responsabilité, ou une autonomie moindres que celles des salariées auxquels elle se comparait et n’avait pas de fonctions d’encadrement, la cour d’appel a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;

Sur le quatrième moyen :

Attendu que les demandeurs au pourvoi font le même grief à l’arrêt, alors, selon le moyen, que le salarié a droit, même au temps et au lieu de travail, au respect de l’intimité de sa vie privée et familiale ; qu’est donc illicite, comme portant atteinte à une liberté fondamentale, la clause du contrat de travail qui exige du salarié de faire connaître à l‘employeur toute modification intervenant dans son état civil, sa situation familiale ou son domicile ; qu’en décidant le contraire pour refuser de faire droit à la demande de dommages-intérêts formée par Mme X…, la cour d’appel a violé les articles L. 1121-1 du code du travail, 9 du code civil et 8 de la Convention européenne des droits de l’homme ;

Mais attendu que la cour d’appel, qui a constaté que les éléments d’information demandés étaient nécessaires à l’employeur pour pouvoir remplir la salariée de ses droits, a légalement justifié sa décision ;

Et attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le troisième moyen ci-après annexé, qui n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme X… et l’union Locale CGT de Chatou aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trois mai deux mille dix-huit.